Une classe du collège Jean-Macé de Mulhouse, engagée dans un projet d’éducation aux médias, a réalisé des sujets journalistiques avec le soutien de la radio MNE. En produisant eux-mêmes des informations, les élèves décryptent mieux celles qu’ils voient circuler sur internet.
Article de Catherine Chenciner paru dans le quotidien régional L’Alsace le 14 février 2018. Photo Darek Szuster.
Écoute collective, dans le studio de la radio MNE, des sujets réalisés par une classe du collège engagée dans un projet d’éducation aux médias. Photo L’Alsace/ Darek Szuster
Une secte d’illuminati, voire des hommes-reptiles tenant secrètement les manettes du monde… aussi stupéfiantes et folles soient-elles, ces thèses complotistes ont un réel succès sur internet, en particulier auprès des adolescents. Aussi, l’enjeu est-il pris très sérieux au collège Jean-Macé de Mulhouse, où l’éducation à la citoyenneté et donc aux médias est considérée comme « faisant partie des fondamentaux du métier ».
L’établissement compte une classe de 4e dite à PEM (projet d’éducation aux médias) qui, en plus de participer régulièrement à l’opération Journal au collège, avec L’Alsace , a noué un partenariat avec la radio associative mulhousienne MNE. Le but de ce dispositif de l’Éducation nationale est d’ « encourager l’innovation pédagogique et artistique, de produire des messages médiatiques pour prendre conscience de la place et du rôle des médias dans la société ».
En l’occurrence, il a s’agit de concevoir des sujets radio, avec les conseils et le soutien technique de MNE, dont le savoir-faire en la matière est apprécié depuis 2005. Les thèmes sont généralement laissés au libre choix des élèves, sauf cette année, puisque, pour les 50 ans du collège, l’équipe pédagogique les a orientés vers… Jean Macé, comme « tous les 4e qui préparent une exposition sur sa vie et son œuvre ».
Une compréhension simplifiée du monde
Serait-il d’actualité l’éducateur du XIXe siècle ? De fait, il était franc-maçon, une obédience dont les complotistes 2.0 s’emparent régulièrement sans la nommer, l’associant autant à des satanistes qu’aux fameux illuminati, à l’origine des adeptes bavarois de Rousseau… disparus en 1784.
« Cette grille de lecture remonte à l’abbé Barruel qui, pour contrecarrer la Révolution française, prétendait qu’elle était manipulée par les Jacobins et les Francs-Maçons pilotés par les illuminati , expose Laurent Zimmermann, professeur d’histoire-géographie. L a théorie survit au XIXe siècle et est réactivée à travers les théories du complot judéo-maçonnique. C’est une compréhension délibérément simplifiée du monde qui, des extra-terrestres à autre chose , peut accrocher des jeunes. »
Le pédagogue en revient ainsi aux faits pour décrypter le faux. « Rappelons que des Francs-Maçons comme Jean Macé qui militaient pour les droits politiques et l’émancipation de tous ne peuvent pas être des satanistes ! » Laurent Zimmermann est même parvenu à faire venir au collège l’ancien conseiller de l’ordre du Grand Orient de France, Ronan Loanec, qui n’a éludé aucune des questions des jeunes. « Il connaît cela très bien et ne compte pas son temps. » Outre cette fort pertinente interview, il y a, parmi les sujets que la classe a récemment écoutés avec attention dans le studio de MNE, un son sur la vie de Jean Macé, un autre autour de la poésie urbaine et enfin, en anglais, sur les fausses informations, les « fake news » ayant circulé durant la campagne électorale aux États-Unis et en France.
Des outils de réflexion dont tous les collégiens, grands adeptes des réseaux sociaux, ont aujourd’hui besoin, et sans doute plus encore dans les quartiers populaires où « les choses ne vont pas de soi » , comme le relève Élodie Berna, enseignante d’anglais, mobilisée dans ce vaste projet interdisciplinaire, avec ses collègues Aude Grandpierre (en éducation musicale), Anne-Charlotte Schmitt (lettres) et Céline Hengy (professeure-documentaliste).
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