Rebelle, enragée, provocante, l’écriture de Philippe Braun est à écouter en direct sur radio MNE et en public à La Vitrine, samedi, lors de la dernière lecture de son manuscrit autobiographique « Les mines de l’introspection ».
– Philippe Braun, qu’est-ce qui a déclenché l’écriture des « Mines de l’introspection », en 2001 ?
Vers 16-17 ans, j’écrivais quelques rimes, des réflexions, mais ce n’était pas très ordonné. Le déclic, c’était plus tard. Après un concert de Saul Williams et la lecture du livre d’Émile Cioran, Sur les cimes du désespoir. Je pensais que cette lecture allait me rendre malheureux, mais au contraire, elle m’a libéré. J’ai entendu quelqu’un d’autre exprimé ce que je ressentais, comme un écho. Mon projet, au départ, était de répondre point par point à ce livre. Finalement, c’est devenu une parodie de recherche d’emploi avec un CV de 200 pages, une lettre d’hésitation, un bilan d’incompétences et un ‘‘çapresse book’’.
– De quoi aviez-vous besoin de vous libérer ?
C’était une nécessité pour me sauver et sauver le monde, car je devenais de plus en plus furieusement idéaliste. Le grand problème de ma vie, c’est le suicide de mon père, quand j’avais 15 ans. Ma vie a changé du jour au lendemain sans que je comprenne ce qui se passe. L’écriture m’a permis de canaliser ma colère, de rationaliser mes peurs, mes frustrations, mes angoisses. Elle m’a apporté un calme intérieur, un sentiment d’extase et j’ai réussi à dire pourquoi je m’ennuie et qu’est-ce qui m’ennuie. Je ne savais pas quoi faire de la suite de ma vie et l’écriture m’a décidé à reprendre des études de philosophie.
– Quel est le propos de votre manuscrit ?
Je déballe toute ma vie et je me cache derrière pour révéler des choses sur mon lecteur-auditeur. Je raconte le sentiment d’ennui. Quand on a du travail on le chasse, quand on n’en a pas on le fuit et moi, je suis le ventriloque de l’ennui. J’ai compris ce que le sentiment d’ennui a à dire aux gens. Dans ces 200 pages, j’évoque mon adolescence, mes études à Nancy, ma découverte du monde du travail à Paris, mon voyage à vélo en Roumanie, mes rêves de Sibérie à vélo et je parle beaucoup de masturbation parce que, quand on vit en ermite, c’est la tentation permanente à moins de trouver un plaisir supérieur, mais je ne bois pas et je ne me drogue pas ! Je m’en prends assez vivement à certaines formes de cultures populaires, à l’université, au fondamentalisme chrétien, à la pornographie… J’ai de la fureur contre la violence et j’ai toujours l’impression que la vérité est toute bête et que personne ne voit rien parce que ça demande du courage. La philosophie qui m’inspire, c’est le cynisme antique.
– Pourquoi une lecture publique en direct de La Vitrine ?
Pour finir ce que j’ai commencé. En 2010, j’ai débuté la lecture de mon manuscrit sur radio MNE (NDLR : Mulhouse net expérience). Je suis revenu à ce texte écrit entre 2001 et 2004 faute de pouvoir écrire du neuf. La radio, c’est une bénédiction pour moi avec les millions d’auditeurs potentiels. Mon manuscrit a toujours été dirigé vers autrui. Je suis un prédicateur et mon message n’est autre que ‘‘Tu dois changer ta vie’’.
– À quand un prochain manuscrit ?
J’ai besoin d’un calme d’ermite pour écrire : pas de télévision, pas d’internet, pas de journaux, pas de divertissement. Juste ma feuille de papier et moi. C’est une discipline de fou et je ne suis pas sûr d’y arriver à nouveau. Je ne vois plus la solution pour trouver l’inspiration. J’ai lu Schiller récemment, mais ça ne suffira pas à me remettre à écrire. Pourtant, j’ai encore un maigre espoir de pouvoir vivre de ma plume.
Y ALLER Samedi 24 septembre à partir de 15 h à La Vitrine, 53, avenue Kennedy à Mulhouse. Entrée libre. À écouter également en direct sur www.radiomne.com
Philippe Braun donne rendez-vous à La Vitrine, samedi, pour la lecture des dernières pages de son manuscrit. Photo Denis Sollier.
(article paru dans le quotidien régional L’Alsace le 22/09/2011 – Propos recueillis par Céline Bechler – www.lalsace.fr)
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