Le photographe Darek Szuster doit beaucoup au festival Météo, ex-Jazz à Mulhouse. Il expose une sélection d’images à la Vitrine, jusqu’au 21 septembre.
Choisir 16 images parmi 20 ans d’archives, ou presque. Entre Darek Szuster et le festival, c’est une vieille histoire. Spectateur passionné de Jazz à Mulhouse depuis le début des années 1990, le photographe d’origine polonaise a trouvé là de nombreux amis, dans les premières années de son exil volontaire en France. « J’ai découvert le festival d’abord musicalement, puis très vite, je l’ai couvert pour faire des photos. » Darek Szuster est entré dans la grande famille de Jazz à Mulhouse où il a trouvé, à travers Paul Kanitzer, l’ancien directeur du festival, ses collègues photographes Philippe Anstett et Pascal Bichain, Minouche Lagarde, toute l’équipe de bénévoles, des frères et sœurs de musique, d’images et de fête. « Je me suis senti bien d’emblée dans cette équipe… Il y a beaucoup de bienveillance et au fil des années, les liens se sont renforcés. »
La photographie lui a permis aussi d’entrer dans cet univers de l’improvisation qui n’était pas le sien. « J’écoutais plutôt des groupes punk ou rock à l’époque… Grâce à la photo, je me suis accroché à cette musique qui offre une palette visuelle qu’aucune autre ne peut offrir, explique-t-il. La liberté qui l’accompagne, la générosité rend tout très expressif. Les gestes, les attitudes des musiciens sont les prolongements de la musique. Ils vont jusqu’au bout d’eux-mêmes, c’est très corporel, une sorte de danse avec l’instrument. J’ai toujours essayé de capter ce moment d’acmé dans un morceau, quand on est au bord de la rupture. J’essaie de sentir l’instant où on bascule dans une autre dimension et je déclenche. Il y a une sorte de contrat tacite entre les musiciens et les photographes, une grande proximité, que ce soit pendant les balances, où on photographie plus librement, ou pendant les spectacles. Toutes ces années, j’ai passé la plupart du temps l’œil dans le viseur. Même s’il m’arrive de ne déclencher que trois ou quatre fois, j’écoute ces concerts comme si je regardais un film, de très près et en format 24/36… C’est le milieu le plus convivial que j’aie jamais trouvé. »
Dans la sélection d’images qu’il a accrochées à la Vitrine, des moments d’extase, des yeux clos et des bouches qui expriment le cri, des photographies qui traduisent le très intime, mais aussi ces moments de grâce où les musiciens semblent ailleurs, sur une autre planète, totalement libres et disponibles, tout à la musique qui s’invente là, entière et éphémère. En contrepoint au couple presque charnel du musicien et son instrument, le photographe présente quelques clichés où on voit une harpe, une contrebasse, une clarinette basse esseulées, abandonnées, après avoir tout donné pendant le concert. Capter l’émotion
« Ces images sont assez simples, plutôt old school ! Je ne cherche pas la composition compliquée, ce qui m’importe, c’est de capter l’émotion. J’ai toujours envie de partager cette intensité-là. Et les musiciens nous font de vrais cadeaux. Ils utilisent parfois des objets inhabituels, basculent souvent dans l’irrationnel. » Il y a le plaisir intense qu’on peut prendre à ces concerts qui sont autant de partitions inédites, mais aussi l’ouverture que cette musique apporte en général : « Au-delà de la musique improvisée, ce festival a ouvert pour moi d’autres horizons, dans ma manière de voir l’art en général, quelle que soit la discipline… »
Y ALLER
Vernissage le 27 août à 18 h, agrémenté d’un mini-concert du saxophoniste Joachim Badenhorst. Expo visible jusqu’au 21 septembre à la Vitrine, 53, avenue Kennedy à Mulhouse.
(article paru dans le quotidien régional L’Alsace le 23 août 2013 • www.lalsace.fr)
Darek Szuster expose ses images à la Vitrine. Photo Denis Sollier
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