L’esprit « village » de l’Arsenal
C’est une artère commerçante à part, avec une vraie personnalité. Mais la rue de l’Arsenal semble partagée par une frontière invisible. D’un côté, on sourit, de l’autre, on râle.
« Vers 1900, la rue de l’Arsenal, c’était vraiment le centre-ville, c’était la rue du Sauvage de l’époque », assure Gérard Boos, le créateur du salon de coiffure éponyme, aujourd’hui tenu par son fils Jean-Philippe. Un salon qui ne remonte pas à 1900, mais qui affiche tout de même une trentaine d’années au compteur. Avec le restaurant Saüwadala et quelques autres, Coiffure Boos est l’une des institutions de cette rue en courbe douce, qui part de la place de la Concorde, actuellement en plein chantier, et débouche avenue Kennedy. La rue de l’Arsenal possède une vraie unité architecturale, avec ses immeubles anciens aux façades colorées. Tout le long, les petits commerces de toutes sortes s’égrènent. Pas de grandes enseignes, pas de franchisés : c’est une rue commerçante différente. « Elle a une vraie identité, confirment Solange Schulmann et Jeanne-Marie Jan, de la boutique Artisans du monde. On s’y plaît. En s’installant ici, on a attiré une nouvelle clientèle car la rue est très passante… » Piétonnisation demandée
« Sympa », « beaucoup de charme », avec un « esprit village » pour les uns, « un peu parisienne » selon un autre avis, la rue recueille de nombreux satisfecit. Mais quelques reproches sont récurrents : manque de stationnement, problème de circulation. « Depuis que le parking Buffon est payant, il y a moins de passage », constate ainsi Ahmet Tolu, du doner kebab El Bistal. La concentration en restaurants et bars fait de la rue de l’Arsenal l’une des artères de la ville qui s’anime le soir. Animation toute relative, comme le fait remarquer avec ironie Bertrand Lepabic, cuisinier au restaurant Noti, ouvert depuis un an et demi. « On ne peut pas dire que ce soit vraiment animé, regrette-t-il. Et si ça bouge, les riverains se plaignent. » Éternel problème mulhousien… « Cette rue a une image sympathique, mais ça pourrait être mieux. Et puis, il ne devrait pas y avoir de voitures. » Si la demande de piétonnisation revient souvent, elle ne recueille pas l’unanimité des commerçants.
Une frontière invisible, à l’angle rue des Franciscains/rue de la Loi semble couper l’artère en deux. En effet, en se rapprochant de l’avenue Kennedy, l’ambiance change, les mécontents apparaissent. Ainsi, Nabil Toua, de la boutique Animal center, fait part de sa colère en brandissant la lettre qu’il vient d’envoyer au maire. Principal grief : le stationnement, devenu payant dans les rues alentours : « Et puis ils ont sacrifié quelques places pour une piste cyclable que personne n’emprunte. La rue de l’Arsenal est en train de mourir économiquement », assure-t-il en prenant l’exemple de la boulangerie La gerbe d’or qui vient de mettre la clé sous la porte. « Les agents du stationnement guettent le moindre truc. Et les bars, dès qu’ils font un peu de bruit, on leur envoie les flics… » Même son de cloche, mais avec encore plus d’acrimonie au bureau de tabac Holbein. « Si on pouvait partir, on partirait. Le tram m’em… L’insécurité devient pénible, ça braille, ça se bagarre », râle le buraliste, en jetant un œil plein de sous-entendu vers la Grand-rue toute proches.
La rue de l’Arsenal, décidément, ne recueille pas l’unanimité.
Hélène Poizat
Bertrand Lepabic, du restaurant Noti, fait partie des commerçants favorables à une piétonnisation. Photo Hélène Poizat
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